Stellantis fait le ménage en Europe : fin de production pour l’Opel Mokka à Poissy et d’autres modèles

Le groupe automobile Stellantis rebat les cartes de son dispositif européen. Entre ralentissement de la demande, surcapacités industrielles et impératifs liés à la transition énergétique, l’entreprise issue de la fusion PSA-FCA multiplie les arrêts d’atelier. La mise en sommeil de l’Opel Mokka à Poissy symbolise une vague d’ajustements qui touche également la DS 3, la Fiat Panda ou encore l’Alfa Romeo Tonale. Dans les Yvelines comme à Pomigliano, Eisenach ou Saragosse, des milliers de salariés vivent une période de doute, tandis que les concessionnaires scrutent des carnets de commandes en dents de scie.

En bref :

• 🚗 Arrêt de la production de l’Opel Mokka et de la DS 3 du 13 au 31 octobre à Poissy.
• 🏭 Six sites européens, dont Eisenach et Pomigliano, placés en pause pour éviter le surstock.
• 📉 Baisse de 8,1 % des immatriculations Stellantis en Europe (ACEA, juillet 2025).
• 🔍 Marché des crossovers compacts en repli : –42,1 % pour l’Alfa Romeo Tonale en août.
• 💼 Près de 2 000 salariés en chômage partiel à Poissy, dispositifs similaires en Italie et Pologne.

Sommaire

• 1. Rationaliser la production : analyse économique de la décision de Stellantis
• 2. Mesures sociales à Poissy et ailleurs : effets sur l’emploi et les territoires
• 3. Réorganisation de la gamme : Opel Mokka, DS3 et autres modèles concernés
• 4. Stratégie industrielle de Stellantis face à la demande automobile européenne
• 5. Scénarios 2026 : relance, électrification et nouveaux modèles

Rationaliser la production : analyse économique de la décision de Stellantis

Quand un constructeur réunit quatorze marques sous une même bannière, l’équation industrielle devient délicate. Depuis le printemps 2025, Stellantis observe une succession de signaux faibles : baisse de fréquentation des showrooms, allongement des délais de stockage, retrait progressif des aides à l’achat dans plusieurs pays. La phase de croissance post-pandémie a laissé place à un marché saturé, dominé par la quête du meilleur prix et le bras de fer sur la rentabilité des modèles électriques. Dans ce contexte, la direction du groupe a décidé de mettre un coup de frein sur les lignes jugées non prioritaires.

À Poissy, la pause technique de la ligne EMP2 vise à éviter la constitution d’invendus. Chaque jour, 420 véhicules sortent habituellement des ateliers franciliens. Or, selon les chiffres internes relayés par News Entreprises, les stocks dépassent désormais 45 jours glissants, un seuil critique qui gèle la trésorerie. Les analystes estiment qu’une journée d’arrêt équivaut à 4 M€ d’économies en frais variables (énergie, logistique, consommables). La décision de suspendre la production pendant quinze jours s’inscrit donc dans une logique de pilotage du cash-flow.

Cette stratégie n’est pas isolée. À Pomigliano d’Arco, site italien dédié à la fabrication de l’Alfa Romeo Tonale et de la Fiat Panda, la direction a programmé une interruption du 29 septembre au 10 octobre. L’usine polonaise de Tychy, qui assemble le Jeep Avenger, devrait connaître une opération similaire avant la fin de l’année si la demande ne rebondit pas. Le réseau espagnol, notamment Madrid et Saragosse, est également sous surveillance.

Principales motivations économiques

• 📊 Surstocks : hausse des stocks véhicules neufs au-delà de 40 jours.
• ⚡ Coûts énergétiques : prix de l’électricité industrielle multiplié par 1,6 depuis 2022.
• 💶 Taux d’intérêt élevés : frein au crédit à la consommation automobile.
• 🌍 Concurrence asiatique : percée rapide de BYD et MG sur les segments B et C.
• 📝 Norme Euro 7 : investissements R&D prioritaires au détriment des modèles thermiques vieillissants.

Tableau – Calendrier des arrêts planifiés (mise à jour septembre 2025)

Les analystes du cabinet Auto Insight notent que le coût d’un arrêt court reste inférieur à celui d’une campagne massive de remises. Les fonds ainsi économisés pourront être redéployés vers le plan d’électrification 2025-2030, baptisé Dare Forward, qui prévoit 75 modèles 100 % électriques d’ici cinq ans.

Mesures sociales à Poissy et ailleurs : effets sur l’emploi et les territoires

Au-delà des chiffres, la suspension de la chaîne se vit au niveau humain. À Poissy, 2 000 salariés passent en activité partielle de longue durée, dispositif financé à 70 % par l’État français et complété par l’accord maison. Les intérimaires, eux, voient leurs contrats gelés, une décision qui touche près de 300 personnes. L’inquiétude s’étend aux sous-traitants basés le long de la N13 : étampeurs, logisticiens, fournisseurs de peinture.

La municipalité, déjà éprouvée par la fermeture des anciennes Forges de Poissy en 2018, craint un effet domino sur le commerce local. Philippe, patron d’une brasserie située face à l’entrée principale, témoigne : « Le déjeuner d’atelier représente 40 % de mon chiffre d’affaires. Un arrêt de trois semaines suffit à déséquilibrer mon trimestre. » Ce ressenti se reflète dans les alertes émises par la CCI des Yvelines.

Dispositifs d’accompagnement

• 🤝 Plateforme RH de reclassement interne pour 250 postes disponibles à Trémery-Metz.
• 🎓 Sessions de formation courte (six semaines) financées par l’OPCO 2i pour monter en compétences sur les packs batterie.
• 💡 Cellule d’écoute psychologique animée par l’association Recherche & Avenir.
• 🏘️ Fonds de solidarité locale de 1 M€ voté par la Région Île-de-France pour soutenir les micro-entreprises de Poissy.
• 🚌 Navettes gratuites vers les pôles d’emploi de Guyancourt et Vélizy.

Tableau – Impact social par zone d’implantation

L’impact social de l’initiative a d’ailleurs motivé l’ouverture d’une enquête par la Direction générale du Travail en France. Les syndicats espèrent obtenir des garanties sur le maintien des emplois en 2026, date à laquelle la plateforme STLA Medium doit remplacer l’EMP2.

En Allemagne et en Pologne, la problématique se double d’enjeux transfrontaliers. Les travailleurs frontaliers d’Eisenach, qui résident pour partie en Thuringe, sont soumis à un régime d’indemnisation différent. Le syndicat IG Metall milite pour un alignement sur le modèle français d’activité partielle afin de garantir 84 % du salaire net.

Réorganisation de la gamme : Opel Mokka, DS3 et autres modèles concernés

La fin de la production de l’Opel Mokka thermique à Poissy ne signe pas la disparition du nom. Elle précède l’arrivée, début 2026, d’un Mokka e-Air 100 % électrique assemblé en Allemagne. Une stratégie semblable avait déjà été appliquée au duo Peugeot e-2008/2008. Dans l’intervalle, certains concessionnaires craignent un trou d’air sur les ventes de crossovers compacts ; Stellantis mise sur la synergie entre ses marques pour combler le vide.

Le cas de l’Alfa Romeo Tonale illustre ces arbitrages. Le modèle, lancé en grande pompe en 2023, voyait encore son volume descendre à 10 840 unités en août 2025, soit –42,1 % selon Dataforce. En réponse, la firme milanaise privilégie la commercialisation du Junior, un SUV du segment B déjà fort de 45 000 pré-commandes. Dans le même temps, la production de la Dodge Hornet, cousine américaine de la Tonale, chute de moitié aux États-Unis.

Modèles suspendus ou repositionnés

• ⛔ Opel Mokka (thermique) : arrêt Poissy, transfert futur en électrique.
• ⛔ DS 3 (thermique) : pause de quinze jours, refonte stylistique annoncée.
• 🔄 Fiat Panda : maintien du modèle ancien jusqu’à fin 2026, co-existence avec la Grande Panda.
• 🔄 Citroën C3 Aircross : réduction de cadence à Madrid ; focus sur le modèle électrique lancé au printemps.
• 💡 Lancia Ypsilon : montée en puissance de la version e-HF, visant 80 % d’électrifié d’ici 2027.

Tableau – Performances commerciales 2024-2025 (janv-août)

Pour les distributeurs, la question essentielle porte sur la reprise de stock. L’organisation européenne des concessionnaires ECADA négocie un abattement sur les objectifs 2025 afin de limiter les pénalités. Certains points de vente s’appuient sur des aides d’État, comme la prime italienne à la casse, pour écouler les derniers lots de Panda thermique.

L’avenir immédiat semble reposer sur l’agilité commerciale. Le réseau Peugeot va, par exemple, consacrer une part de sa surface d’exposition au nouveau 3008 électrique, y compris dans les concessions Opel pluri-marques. Cette approche « shop-in-shop » illustre la volonté de Stellantis de mutualiser les forces plutôt que de multiplier les points de vente spécialisés.

Stratégie industrielle de Stellantis face à la demande automobile européenne

Le chantier engagé par le groupe aborde également les architectures techniques. Dès 2026, les plateformes STLA Small, Medium et Large doivent remplacer l’actuel empilage de châssis EMP2, CMP et Giorgio. Objectif : 80 % de réduction des pièces spécifiques à chaque marque, gain logistique et accélération de l’industrialisation des futures batteries ACC. La question de la localisation reste sensible : l’usine de batteries de Douvrin (France) montera en cadence, mais les cellules de seconde génération sortiront de Kaiserslautern (Allemagne).

Face à la concurrence des constructeurs chinois, Carlos Tavares martèle la nécessité d’une “freedom of mobility for all”. Cela se traduit par :

• 📐 Réduction de 50 % du temps de développement produit.
• 🔋 Mise sur le marché d’une batterie LFP à moins de 90 € / kWh.
• 🏗️ Conversion de 50 % des ateliers thermiques vers l’électrique d’ici 2028.
• 💻 Déploiement du logiciel STLA Brain pour la mise à jour OTA de toute la gamme.
• 🌱 Engagement de neutralité carbone sur le scope 1 et 2 en 2038.

Tableau – Répartition des investissements 2024-2026

Cette stratégie est largement commentée dans la presse spécialisée. Un dossier publié par Auto Plus souligne l’équilibre délicat entre maintien de la rentabilité et investissement massif. Le quotidien Le Monde rappelle que le groupe affiche encore une marge opérationnelle de 10,4 %, supérieure à celle de Volkswagen.

Dans cet écosystème mouvant, l’organisation industrielle se veut réactive. Les usines dotées d’une forte flexibilité, comme Zaragoza pour l’Opel Corsa, conservent un volume stable. En revanche, les sites monomodèles, à l’image de Poissy, demeurent exposés aux fluctuations de la demande.

Scénarios 2026 : relance, électrification et nouveaux modèles

Les prochains dix-huit mois constitueront un test grandeur nature. Trois scénarios dominent actuellement les analyses :

• 📈 Rebond modéré : la BCE baisse ses taux, relance du leasing social, reprise de 5 % des ventes.
• 🔄 Stagnation : marché stable, concurrence accrue, guerres de prix intenses.
• 📉 Décrochage : maintien des taux élevés, reconversion accélérée des sites vers la batterie.

Pour préparer le pire comme le meilleur, Stellantis anticipe :

Plan produits 2026

La décision cruciale réside dans la localisation de la production batterie. Si la gigafactory d’ACC à Termoli ouvre dans les délais, l’Europe méridionale pourrait reprendre l’avantage sur l’Europe de l’Est. Les négociations concernant les aides publiques italiennes et françaises seront scrutées de près.

Afin de nourrir la relance, Stellantis compte aussi sur des partenariats numériques. Les logiciels embarqués STLA Brain s’appuieront sur Android Automotive OS, ouvrant la porte à des services tiers : paiement automatique des recharges, assurance à la demande ou diagnostic prédictif. Ces fonctionnalités, déjà disponibles sur la Peugeot e-3008, devraient équiper l’ensemble des modèles de la plateforme STLA Medium.

Le cabinet BCG estime que la valeur ajoutée du software dans une voiture neuve passera de 3 % en 2022 à 12 % en 2027. Stellantis a donc tout intérêt à positionner ses ingénieurs logiciel au cœur du réacteur, selon l’article de Automobile Propre. Une stratégie qui pourrait aussi faire évoluer la sociologie des sites historiques : plus de data scientists, moins d’ajusteurs-monteurs.

En parallèle, l’équipementier Forvia a confirmé vouloir installer un centre d’essai à Poissy, promettant 200 emplois d’ingénieur. De quoi absorber partiellement les fluctuations de la ligne Mokka. Cette diversification, saluée par l’association locale Batignolle-Poissy, montre que certains territoires trouvent de nouvelles perspectives en capitalisant sur leur histoire industrielle.

Pourquoi Stellantis arrête-t-il la production de l’Opel Mokka à Poissy ?

Le groupe ajuste ses volumes pour réduire les stocks et se préparer à l’arrivée d’une version 100 % électrique prévue en 2026. La demande actuelle sur le segment des crossovers thermiques s’essouffle, rendant temporairement non rentable la poursuite de l’assemblage.

Combien de salariés sont impactés par les arrêts de production ?

À Poissy, 2 000 salariés passent en activité partielle. Les sites de Pomigliano, Eisenach et Tychy portent le total à plus de 10 000 personnes concernées à travers l’Europe.

Les clients peuvent-ils toujours commander un Opel Mokka ?

Oui, les véhicules déjà produits restent disponibles en stock. Toutefois, les délais peuvent varier et certains coloris ou motorisations seront limités jusqu’à l’arrivée du Mokka e-Air.

Quel est l’impact sur le réseau de concessionnaires ?

Les objectifs de vente 2025 sont renégociés pour éviter des pénalités liées aux volumes manquants. De nombreux points de vente réorientent leur offre vers des modèles électriques à marge plus élevée.

Une réouverture de la ligne Poissy est-elle garantie ?

La direction évoque une reprise progressive en novembre 2025, conditionnée à l’évolution du carnet de commandes et à la mise à jour technique de la plateforme.

Source: fr.motor1.com