Fermeture de l’usine de Poissy par Stellantis : 2 000 emplois perdus, une situation tendue qui coïncide avec le projet ambitieux de nouveau stade du PSG

Des chaînes de montage silencieuses, des tribunes virtuelles qui s’élèvent : la fermeture temporaire de l’usine Stellantis de Poissy soulève une équation sociale et urbaine inédite, alors que le Paris Saint-Germain rêve d’y bâtir une enceinte de 60 000 places. Rarement un même foncier aura cristallisé à ce point des enjeux industriels, sportifs et politiques dans les Yvelines.

En bref :

• 📉 15 jours d’arrêt de production : du 13 au 31 octobre, l’usine tournera au ralenti, 2 000 salariés passant en activité partielle.
• 🔄 Ajustement au marché européen : Stellantis invoque la baisse des ventes des Opel Mokka et DS 3, deux modèles assemblés à Poissy.
• 🏟️ Un stade du PSG pressenti : le club parisien étudie la transformation partielle du site, sans fermeture définitive annoncée.
• 🚀 Formations et travaux internes : la direction promet des sessions de montée en compétence et la modernisation de certains ateliers.
• 🤝 Pression politique : la Région Île-de-France exige le maintien d’une “vocation industrielle forte” pour valider tout projet immobilier connexe.

Sommaire

• Poissy, un site industriel emblématique face à la baisse du marché automobile
• Chômage partiel massif et risques sociaux : 2 000 salariés dans l’incertitude
• Un marché européen en turbulence et la stratégie de Stellantis
• L’hypothèse d’un nouveau stade du PSG à Poissy : opportunité ou menace ?
• Enjeux territoriaux et politiques : quelles perspectives pour l’écosystème local ?

Poissy, un site industriel emblématique face à la baisse du marché automobile

Depuis 1938, les deux rives de la Seine voient défiler carrosseries et moteurs : Poissy est d’abord le berceau de Ford SAF, avant d’être repris par Simca, puis par Peugeot, Citroën et enfin Stellantis. Avec plus de 300 000 m² d’ateliers, la plate-forme a longtemps symbolisé la résilience industrielle francilienne. En 2024, l’usine produit quotidiennement environ 420 véhicules, essentiellement la DS Automobiles DS 3 et l’Opel Mokka. Pourtant, l’annonce d’une “pause” de quinze jours ouvrés, relayée par Ouest-France, a fait l’effet d’un électrochoc dans les Yvelines.

Le groupe explique que le segment B-SUV, cœur de la production locale, subit une concurrence accrue des électriques chinoises. Les reports d’achats, liés aux incertitudes sur les normes Euro 8 b, conduisent à des stocks élevés. La décision, détaillée lors d’un article du Monde, vise donc à préserver la trésorerie en synchronisant l’offre et la demande.

Cette mesure contrarie la tradition de Poissy, où l’on rappelle souvent que la ligne n’a été arrêtée qu’à deux reprises depuis quarante ans : lors de la crise pétrolière de 1979 et durant la pandémie en 2020. Aujourd’hui, les portiques de soudure automatisés restent impeccables, mais l’horizon industriel s’obscurcit, nourrissant les rumeurs d’une reconversion complète des terrains.

Repères de production depuis 2019

• 🔧 Flexibilité historique : l’usine a déjà accueilli des Peugeot 208, des Citroën C3, ou encore des Fiat 500L selon les stratégies plates-formes.
• 🌱 Transition électrique : 25 % des volumes 2024 proviennent déjà de versions “e-Tense” ou “Mokka-e”.
• 🛠️ Capacité de re-tooling : le hall “Comète” peut être reconfiguré en six semaines pour de nouveaux modèles, selon le service Méthodes.
• 🏭 Patrimoine industriel : la nef Art-Déco du bâtiment A est classée, ajoutant des contraintes en cas de démolition partielle.

Insight final : Poissy incarne une mémoire industrielle que le marché actuel fragilise. Le ralentissement ouvrira la voie à des travaux d’entretien, mais il signe aussi la fin d’une illusion : celle d’un outil de production protégé des secousses du marché globalisé.

Chômage partiel massif et risques sociaux : 2 000 salariés dans l’incertitude

Le 22 septembre, 11 h 02. Le président du Comité social et économique annonce officiellement la mise en activité partielle de 2 000 salariés, confirmant les informations de TF1 Info. Les réactions oscillent entre stupeur et colère. Chez SUD Industrie, Jean-Pierre Mercier évoque “du jamais vu depuis Simca”. La tension se ressent jusque dans les vestiaires, où les plannings sont déjà barrés de croix rouges.

En pratique, les salariés toucheront 84 % de leur net moyen, l’État prenant en charge 60 % du brut, le reste étant abondé par Stellantis. Cependant, la perte de primes, notamment celles liées à la cadence, représente jusqu’à 400 € par mois. À cela s’ajoutent les frais supplémentaires : transports, gardes d’enfants imprévues, remboursement de crédits. La section CFDT craint un effet domino sur la consommation locale : “moins de tickets-restaurant, moins de passages à la cantine, et c’est toute la restauration alentour qui souffre”.

Focus sur les dispositifs d’accompagnement

• 📚 700 inscriptions déjà validées pour des modules de perfectionnement en robotique.
• 💬 Cellule psychologique mobilisée quatre heures par jour dans le bâtiment “Sycomore”.
• 🚍 Navettes vers l’usine de Trémery pour 120 volontaires, une première depuis 2015.
• 💡 Partenariat Pôle emploi pour identifier des missions temporaires dans les salons automobiles d’Île-de-France.

Si les dispositifs se veulent rassurants, nombre d’employés évoquent néanmoins la crainte d’une fermeture définitive, comme l’a souligné L’Automobile Magazine. L’ombre du précédent d’Aulnay-sous-Bois, fermé par PSA en 2013, plane encore. À l’époque, une partie des effectifs avait été redéployée, mais jamais l’intégralité.

Insight final : Le chômage partiel n’est pas qu’une pause logistique : il s’agit d’une fracture sociale, laissant planer l’idée qu’un site octogénaire pourrait ne plus redémarrer à plein régime.

Un marché européen en turbulence et la stratégie de Stellantis

Sur l’ensemble du Vieux Continent, les immatriculations reculent de 8 % au premier semestre. Les citadines thermiques Peugeot 208 et Opel Corsa souffrent ; les SUV compacts Jeep Compass ou Fiat 500X résistent mais deviennent plus onéreux avec les nouvelles normes de sécurité. Dans ce contexte, Stellantis orchestre un ajustement en fermant ponctuellement six usines, dont celle d’Eisenach et de Saragosse. Poissy apparaît comme le maillon français le plus exposé, notamment en raison de la montée des importations venues de Chine.

Mercedes, Volkswagen ou Renault négocient un assouplissement des quotas CO₂ pour écouler des hybrides. Le groupe franco-italo-américain, lui, préfère geler les stocks sur ses sites européens. BFM Business rappelle que 85 % des Opel Mokka-e produits en France sont destinés à l’export. Or, la demande allemande s’effondre depuis la fin du bonus écologique Outre-Rhin.

Comparatif des ventes semestre 1 2025

• 🔍 Lecture rapide : seuls Fiat et Jeep progressent, dopés par l’électrique.
• 🌐 Concurrence chinoise : BYD Atto 3 et MG ZS grappillent 4 points de part de marché.
• 💶 Parité euro-dollar : le renchérissement des composants importés nuit aux marges.
• ⛈️ Marché locatif en berne : les loueurs retardent leurs renouvellements de flottes.

Le plan “Dare Forward 2030” fixe une marge opérationnelle de 14 %. Difficile de l’atteindre si les usines tournent sous 65 % de leurs capacités. Les analystes de Morgan Stanley tablent sur d’autres arrêts tournants à Vigo ou Tychy, tandis que l’usine marseillaise d’Hordain profite, elle, d’un contrat Mopar pour assembler des kits batterie.

Insight final : L’arrêt de Poissy n’est pas isolé : il s’intègre dans un dispositif défensif où chaque site devient variable d’ajustement pour un groupe qui doit préserver ses marges tout en finançant la mutation électrique.

L’hypothèse d’un nouveau stade du PSG à Poissy : opportunité ou menace ?

Depuis janvier, les chaînes WhatsApp des salariés bruissent d’un même sujet : le Paris Saint-Germain, en quête d’une arène XXL, lorgnerait le foncier de Poissy. L’idée n’est pas nouvelle : le club dispose déjà de son centre d’entraînement sur la commune voisine de Saint-Germain-en-Laye. Mais cette fois, la rumeur prend corps : des cabinets d’architectes ont été vus sur le parking “Vans” pour des repérages topographiques. Selon Le Parisien, deux scénarios sont à l’étude : la reconversion totale du site après 2028 ou une co-activité industrielle et sportive.

Valérie Pécresse, présidente de Région, fixe une ligne rouge : “Aucun grand projet ne doit sacrifier la vocation industrielle”. Elle prône la création d’un pôle de formation automobile accolé au stade, afin de maintenir des emplois qualifiés. De son côté, la maire Sandrine Dos Santos craint la disparition d’un tissu de PME sous-traitantes. Les supporters, eux, se divisent : certains regrettent déjà l’atmosphère du Parc des Princes, quand d’autres saluent la perspective d’un accès plus fluide via l’A14.

Comparaison entre les deux scénarios

• 🎟️ Capacité visée : 60 000 places, soit +12 000 par rapport au Parc actuel.
• 🚇 Extension du RER E : crucial pour absorber les flux, livrable fin 2028.
• 🏗️ Surenchère foncière : le prix moyen du m² logistique grimpe déjà de 8 %.
• 🤔 Acceptabilité locale : riverains favorables à une coulée verte contre nuisances sonores.

L’encadrement de Stellantis insiste : aucun départ n’est acté. Mais le club parisien peut compter sur Qatar Sports Investments, disposé à indemniser des transferts d’activité. Ainsi, une partie des chaînes “e-CMP” pourrait migrer vers Rennes-La Janais, tandis que les presses à emboutir seraient revendues à un recycleur.

Insight final : Le projet de stade, encore au stade de faisabilité, rebat les cartes. L’avenir industriel devient négociable, conditionné à un compromis où la passion du foot rencontre l’impératif social.

Enjeux territoriaux et politiques : quelles perspectives pour l’écosystème local ?

La vallée de la Seine forme un corridor automobile où gravitent 240 PME. À Poissy, 55 sous-traitants réalisent plus de 70 % de leur chiffre d’affaires avec Stellantis : injection plastique, sellerie, logistique Just-In-Time. La mise en activité partielle bouleverse cette mécanique. Exemple : Trans-Seine Log, qui emploie 180 chauffeurs, prévoit de réduire de 30 % ses tournées pendant la trêve d’octobre.

Politiquement, la Région active son fonds de “résilience industrielle”, doté de 50 M€. L’objectif : co-financer la modernisation énergétique des halls, qu’ils accueillent des presses ou un équipement sportif. Sur le terrain, les élus plaident pour un campus de formation mêlant électromobilité et métiers de l’événementiel, afin de préparer la double transition.

Dispositifs territoriaux mobilisés

• 🏤 Réunions publiques prévues chaque trimestre à l’hôtel de ville.
• 📈 Observatoire de l’emploi : suivi mensuel des reconversions et mobilités.
• 🌍 Ateliers “Zéro émission nette” co-animés par l’ADEME pour concilier parking du stade et toitures photovoltaïques.
• 🔄 Lien associatif : l’AS Poissy propose un tournoi “Solidarité Usine” afin de récolter des fonds pour les familles touchées.

L’information circule vite : le site Batignolle-Poissy publie chaque jour un baromètre d’activité. Le 25 septembre, la courbe a viré au rouge : indice synthétique à 42 contre 71 en juillet. “Les effets seront durables si l’incertitude persiste”, avertit l’économiste Béatrice Mareuil sur France Info, dans un décryptage consultable ici.

Insight final : Plus qu’une parenthèse, l’arrêt d’octobre agit comme un révélateur : Poissy devra choisir entre conforter sa chaîne de valeur automobile ou réécrire son récit autour du sport-spectacle. Les prochains mois seront décisifs.

Les salariés seront-ils intégralement indemnisés pendant l’arrêt ?

Ils percevront 84 % de leur salaire net moyen grâce au dispositif d’activité partielle ; primes de production et heures supplémentaires ne sont cependant pas couvertes.

Le projet de stade du PSG est-il déjà validé ?

Non, il s’agit d’une phase d’études. Le PSG et la Région Île-de-France mènent des négociations pour concilier usage sportif et maintien d’une activité industrielle minimale sur le site.

Quelles formations sont proposées aux salariés ?

Stellantis finance des modules en robotique, en habilitation haute tension et des cours en ligne sur les futures motorisations, afin de préparer d’éventuels redéploiements internes.

Quels impacts sur les sous-traitants locaux ?

Les PME de logistique, plasturgie et peinture enregistrent déjà une baisse de chiffre d’affaires ; la Région étudie un plan de soutien pour éviter des licenciements en cascade.

La production reprendra-t-elle après le 31 octobre ?

La direction prévoit une reprise progressive début novembre, sous réserve de l’évolution du marché européen et de la liquidité des stocks, avec un suivi hebdomadaire des volumes.

Source: www.lejournaleconomique.com