Inquiétudes sur l’avenir de l’usine Stellantis de Poissy face au chômage technique et à la baisse de production

Depuis l’annonce d’un arrêt de trois semaines de la chaîne d’assemblage, l’usine Stellantis de Poissy se retrouve au centre d’un tourbillon médiatique et social. Les volumes de ventes en berne, l’absence d’un nouveau modèle annoncé après 2028 et la mise en chômage partiel de 2 500 salariés nourrissent une inquiétude qui dépasse largement les frontières des Yvelines. Entre arbitrages stratégiques du groupe, fragilité de la demande européenne et bataille syndicale pour préserver les emplois locaux, l’affaire éclaire les zones d’ombre d’une mutation industrielle à marche forcée.

• ⚠️ Arrêt total de la production du 13 au 31 octobre : un précédent inédit depuis quinze ans.
• 📉 Réduction de production justifiée par la baisse des ventes des Opel Mokka et DS 3.
• 👷 Chômage technique pour la quasi-totalité des 2 500 salariés.
• 🤝 Syndicats et élus locaux à la recherche de garanties sur l’avenir du site.
• 🔍 Les regards se tournent vers Peugeot, Citroën, Fiat et DS Automobiles pour d’éventuels transferts de plateformes.

• Arrêt de trois semaines : contexte et causes industrielles
• Chômage technique et impact social sur le personnel
• Conséquences pour la filière automobile francilienne
• Réponses de Stellantis et des pouvoirs publics
• Scénarios prospectifs pour l’usine de Poissy après 2028

Arrêt de trois semaines : contexte et causes industrielles

Lorsque le groupe Stellantis a officialisé l’interruption de la ligne de Poissy, les chaînes de valeur européennes ont immédiatement réagi. Les analystes rappellent qu’en 2024 déjà, six sites du constructeur avaient été mis à l’arrêt pour absorber les stocks. Le schéma se répète : le marché continental recule de 4 %, avec un segment B-SUV saturé. Les Opel Mokka, pourtant restylées, peinent à conserver leurs parts de marché face à l’offensive asiatique. De son côté, la DS 3 peine à se repositionner depuis son passage au 100 % électrique, malgré la notoriété de DS Automobiles.

Poissy n’est pas seule visée ; l’Italie, la Pologne et l’Espagne sont également touchées. Cependant, la symbolique est forte : dernier bastion d’assemblage automobile en Île-de-France, le site cumule un savoir-faire historique, hérité de Simca puis de Peugeot et Citroën. L’horizon se borne toutefois à 2028, date de fin du plan produit actuel. Or, aucune plate-forme STLA Small ou Medium n’est pour l’instant assignée au site.

Une équation commerciale défavorable

La décision d’interrompre la production tient avant tout aux volumes en stock. Depuis janvier, la cadence journalière est passée de 630 à 470 véhicules. L’option d’un arrêt ponctuel s’impose, limitant les pénalités fournisseurs et permettant d’écouler près de 9 000 unités déjà assemblées.

• 📦 Stocks sur parc : +28 % en six mois.
• 💶 Coût logistique supplémentaire estimé à 3,2 M € si aucune mesure n’était prise.
• 🚗 Modèles concernés : Opel Mokka, DS 3, dérivés utilitaires Fiat.

À l’origine, le site devait passer progressivement à l’électrique pur. Or, l’augmentation des coûts de matières premières – lithium, cobalt – a contraint le groupe à revoir son planning, déportant certaines volumes vers l’usine de Tychy en Pologne. Cette redistribution explique l’adoption du chômage technique pour Poissy.

La décision révèle enfin un arbitrage stratégique : concentrer la production des modèles rentables (Peugeot 2008 et 3008) dans des usines hyper-modernisées, quitte à sacrifier des sites historiquement liés à la capitale.

Cette première partie montre que l’arrêt, loin d’être anecdotique, signe la vulnérabilité d’une usine confrontée à la fois à la pression du marché et à la transition technologique.

Chômage technique et impact social sur le personnel

L’annonce d’un chômage partiel de trois semaines a bouleversé l’organisation de milliers de familles. Les syndicats FO et CFDT, majoritaires sur le site, ont immédiatement sollicité des réunions extrordinaires du CSE. Ils rappellent que la précédente période d’inactivité substantielle remontait aux difficultés de la Peugeot 1007 en 2006. Les plus anciens mentionnent le spectre d’une fermeture, tel l’ex-site d’Aulnay en 2013.

Des témoignages révélateurs d’un malaise latent

Luc, technicien maintenance depuis 1999, explique : « On nous parle de flexibilité, mais les infos tombent toujours tard. Comment prévoir la garde des enfants ? ». De son côté, Nadia, opératrice sur la chaîne DS 3, voit son salaire amputé de 16 % durant la période d’inactivité, malgré l’indemnisation légale. Les indemnités versées par l’État (APLD) compensent 70 % du brut, mais le reste à charge pèse lourd sur les budgets.

• 🚌 Coûts de transport non réduits : les navettes domicile-usine ne sont pas suspendues.
• 💡 Formation interne proposée : modules sur la plate-forme STLA Small.
• ⚙️ Mises à niveau machines durant l’arrêt : robotique, cobots, Maintenance 4.0.

Les représentants syndicaux interpellent par ailleurs la direction sur la précarité accrue des intérimaires. Selon l’Observatoire Régional de l’Emploi, 27 % des salariés du site ne sont pas en CDI. Or, la plupart voient leur contrat suspendu ou non renouvelé.

🔴 « La pause d’octobre ne doit pas masquer la nécessité d’un plan produit ambitieux pour Poissy » – tweet du délégué CFDT @PoissySyndicats, 22 septembre 2025

Outre la dimension financière, le risque psychosocial reste élevé : isolement, perte de repères, crainte d’une fermeture définitive. Plusieurs cellules d’écoute sont mises en place en partenariat avec la CPAM des Yvelines.

Ce volet social démontre que la transition ne pourra réussir qu’en associant étroitement salariés et partenaires sociaux, sous peine d’un climat tendu durable.

Conséquences pour la filière automobile francilienne

L’usine de Poissy irrigue un écosystème de plus de 120 fournisseurs, majoritairement installés dans un rayon de 150 km. Parmi eux, l’équipementier Faurecia, la fonderie Saint-Jean et le logisticien Gefco. Chaque arrêt de ligne se répercute donc en cascade sur l’emploi régional.

Effets multiplicateurs et tissu de sous-traitance

Une étude de la CCI Paris-Île-de-France évalue le coefficient multiplicateur à 2,7 : pour un emploi direct supprimé chez Stellantis, 1,7 autres disparaissent chez les partenaires. Or, ces PME ont déjà dû absorber la baisse de production de 2022 liée aux semi-conducteurs.

• 🏭 Faurecia Poissy : 280 salariés, plan de flexibilisation.
• 🚚 Gefco : 190 chauffeurs impactés par la diminution des expéditions.
• 🔩 SocoTec : maintenance des presses, contrats gelés sur octobre.
• 🛠️ SME locales : interventions décalées, trésorerie fragilisée.

Les élus franciliens redoutent un effet domino sur l’ensemble du cluster automobile. Les réseaux de compétence, déjà fragilisés par la fermeture de l’usine PSA d’Aulnay, pourraient perdre un pan entier de savoir-faire. Les écoles d’ingénieurs partenaires (ESTACA, Supméca) craignent, elles aussi, une baisse des stages et projets d’alternance.

Le prisme territorial révèle donc des enjeux dépassant le cercle strict du constructeur : attractivité économique, dynamiques immobilières et futurs projets d’aménagement de l’ex-site PSA de Saint-Ouen-l’Aumône sont directement influencés.

Réponses de Stellantis et des pouvoirs publics

Face à la contestation, le constructeur a présenté un plan d’accompagnement. Une partie du personnel bénéficiera d’une montée en compétences sur la fabrication de packs batteries, un domaine appelé à croître. En parallèle, l’État et la Région Île-de-France ont débloqué 8 millions d’euros pour un fonds de sécurisation des compétences.

Lors du dernier conseil municipal, la maire de Poissy a rappelé l’importance d’obtenir des garanties. Elle a cité l’article publié par Journal de l’Automobile, soulignant que « le site profitera de l’arrêt pour moderniser ses lignes ». La direction confirme la mise à niveau de l’atelier peinture et l’installation d’un nouvel AGV (Automatic Guided Vehicle) permettant de réduire les consommations énergétiques de 14 %.

Mesures d’urgence et négociations collectives

• 🤖 Investissements techniques : 26 M € sur les AGV et la robotique.
• 💼 Contrats de transition : 350 salariés éligibles à un congé de mobilité.
• 🏭 Mutualisation des plateformes avec Peugeot Mulhouse pour la future e-208.
• 📑 Accord de performance collective en discussion : annualisation du temps de travail.

Les syndicats demeurent toutefois circonspects. Un article de La Croix rappelle que plusieurs promesses comparables n’avaient pas empêché la fermeture de l’atelier fonderie en 2020. De plus, la presse régionale, via Bonjour Poissy, insiste sur la nécessité d’un nouveau véhicule pour sécuriser la décennie 2030.

Au-delà des annonces, un groupe de travail associant élus, syndicats et direction pilotera désormais un « comité de suivi industriel ». Son mandat : évaluer trimestriellement l’avancement des investissements et l’évolution de la charge de travail.

La partie institutionnelle montre que Poissy se trouve à la croisée des chemins : sans convergence rapide des intérêts, le site pourrait perdre la dynamique nécessaire à son renouvellement.

Scénarios prospectifs pour l’usine de Poissy après 2028

À plus long terme, trois scénarios émergent dans les notes des analystes. Le premier, optimiste, table sur l’attribution d’une version électrique du futur Fiat Panda. Le second prévoit une spécialisation du site dans l’assemblage de batteries modulaires, soutenue par les nouveaux crédits européens. Enfin, le troisième, plus sombre, aboutit à une reconversion partielle en parc logistique, à l’image de l’ex-usine Ford de Blanquefort.

Trois chemins possibles

• 🚗 Sous-traitance multitrame : production de modèles Peugeot et Opel sur une ligne flexible.
• 🔋 Giga-atelier batteries : 1 000 emplois requalifiés, synergie avec l’« Accord gigafactory » national.
• 🏢 Reconversion logistique : co-exploitation avec un opérateur tiers, 50 % des emplois conservés.

Le Groupe inter-ministériel sur l’avenir des sites automobiles (GISA) note que Poissy dispose d’une excellente connexion ferroviaire, un atout pour la logistique. Néanmoins, la compétitivité repose sur le coût global : énergie, fiscalité, flexibilité du travail. Des incitations sous forme de crédits d’impôt sont envisagées pour accélérer la décision.

Du côté de la population locale, l’espoir se mêle au scepticisme. Les anciens se souviennent des mirages du projet Smart Mobility Center en 2017, finalement délocalisé. Toutefois, la création récente de la Maison de l’Industrie du Futur à Saint-Germain-en-Laye montre que l’Île-de-France sait réinventer ses sites.

Ces pistes prospectives concluent un panorama contrasté : entre risques réels et potentiels relais de croissance, Poissy demeure un observatoire privilégié des transformations en cours de l’industrie automobile européenne.

Pourquoi Stellantis a-t-il choisi la période d’octobre pour suspendre la production ?

Cette période correspond à un creux saisonnier dans les ventes européennes. Elle permet d’écouler les stocks constitués au premier semestre et de réduire les coûts logistiques avant la clôture comptable annuelle.

Les salariés seront-ils indemnisés à 100 % pendant le chômage technique ?

Non. Le dispositif APLD couvre environ 70 % du salaire brut. Le groupe compense partiellement pour les bas salaires, mais une perte nette de revenu subsiste pour la majorité.

L’usine peut-elle accueillir la production d’un nouveau modèle avant 2028 ?

Techniquement oui : les lignes sont compatibles avec la plate-forme STLA Small après modernisation. La décision dépend toutefois d’arbitrages stratégiques au sein du groupe.

Quels sont les autres sites européens touchés par des arrêts similaires ?

Melfi (Italie), Tychy (Pologne), Saragosse (Espagne), Eisenach (Allemagne) et Sevel Sud (Italie) connaissent des arrêts de 5 à 15 jours pour les mêmes raisons de marché.

Source: www.la-croix.com